Publié le 25 septembre 2019
Quimper Cornouaille Développement organisait sa première conférence de l’aménagement commercial sur le thème « Comment faire rebattre le cœur de nos centres-villes et bourgs » ?, le mardi 24 septembre 2019, au Centre des Congrès du Chapeau-Rouge à Quimper.
Une centaine de personnes sont venues assister à l’intervention de Pascal MADRY, directeur de l’Institut pour la ville et le commerce (IVC). Expert du commerce, il a apporté des éléments de réponses relatifs à la problématique du commerce dans les villes.
Ludovic JOLIVET, président de Quimper Cornouaille Développement, a ouvert la conférence et a rappelé l’importance du commerce, tant sur le plan individuel « souvenirs joyeux de notre enfance » que collectif en créant de l’attractivité pour un territoire. "Les centres-villes et bourgs connaissent aujourd’hui des difficultés parce qu’il n’y a plus assez de population qui y habite. Ils ont été délaissés". Toutefois, il affirme sa conviction que les centres-villes "auront leur revanche", notamment par la différenciation des biens et des boutiques que l’on trouve en périphérie ou sur internet, en ayant « une âme » et « une histoire à raconter ».
Quimper Cornouaille Développement a ensuite rappelé quelques chiffres clés du commerce en Cornouaille. Ce territoire se caractérise notamment par une organisation multipolaire des 17 000 emplois salariés dans le commerce, répartis en particulier entre Quimper, Concarneau, Douarnenez, Pont-l’Abbé et Fouesnant. Ces emplois salariés ont été décrits selon leur répartition dans les différents secteurs d’activité commerciale:
- #1 Alimentaire
- #2 Hôtellerie, bar, restauration
- #3 ex aequo Banque, assurance, immobilier et Automobile, motocycle).
Enfin, une typologie des locaux commerciaux que l’on peut observer sur le territoire cornouaillais a été proposée.
En introduction de sa présentation Pascal MADRY a expliqué que les leviers pour maintenir ou dynamiser la vitalité d’un centre-ville ou d’un bourg sont connus. Plusieurs indicateurs du territoire doivent être « au vert » : l’emploi, la démographie, le tourisme et la production de richesse. Cette vitalité repose en particulier sur la volonté de tous les acteurs de mener une politique d’attractivité territoriale intégrant à la fois des problématiques:
- de développement économique (prospection, accompagnement);
- de logements (production et rénovation);
- de mobilité (accessibilité et stationnement);
- d’équipements (culturels, sportifs, administratifs);
- et d’espace public (patrimoine, parcours marchands, etc.)
Enfin, cette approche holistique du centre-ville doit s’accompagner d’une politique locale du commerce équilibrant actions d’animation (ex. : manager du commerce), de prospection et de régulation (ex. : SCOT, PLU). L’intervenant a ensuite organisé sa présentation en trois temps :
Les dynamiques du commerce : 2 chocs
Pascal MADRY a rappelé que le premier choc, et le plus important, dans la dynamique commerciale s’est déroulé à partir des années 1930, époque durant laquelle la France a commencé à devenir plus urbaine que rurale. La dispersion des habitants dans les campagnes favorisait le développement des « boutiques » et la France en comptait plus de 1 500 000 au début des années 1900.
L’exode rurale a ramené ce chiffre à 1 000 000 au début des années 1970. À cette époque, un second choc a prolongé cette diminution de nombre de magasin, le développement d’un modèle urbain centré sur l’automobile et la grande distribution. Cette tendance a amené le nombre de magasins à son point le plus bas, environ 800 000 au début des années 2000.
Au cours de toutes cette ère moderne, le commerce n’a donc cessé de se concentrer. De moins en moins de boutiques ont proposé une offre commerciale de plus en plus abondante (le commerce est devenu « plus efficace » en quelque sorte). Toutefois, cette offre a généré toujours plus de surfaces commerciales alors que dans le même temps le pouvoir d’achat et les dépenses des consommateurs ont baissé puis se sont stabilisés depuis les années 1980. Aujourd’hui, l’offre commerciale est devenue supérieure à la demande des consommateurs.
Les impacts sur le territoire
Dans un deuxième temps, le directeur de l’IVC a identifié les impacts territoriaux de ces évolutions du commerce. Le premier impact est le développement de la vacance commerciale. Les centres-villes sont confrontés à cette problématique et mobilisent de nombreuses politiques publiques en matière d’urbanisme ou de développement économique pour y remédier. À l’échelle française, la vacance commerciale des centralités est estimée à environ 12% avec un rythme de croissance de 1 point par an. Or, ce phénomène ne concerne pas que les centres-villes puisque depuis 2016, la vacance des centres commerciaux a dépassé celle des centralités. Celle-ci est estimée à un peu moins de 15% avec un rythme de croissance plus proche des 2 points par an.
Le second impact de l’évolution du commerce est « l’affinage » de l’offre commerciale des centralités et des périphéries. Les premières ont vu la part de l’alimentaire progresser (10 à 12% des locaux) alors que les enseignes nationales (36 à 30%) et l’équipement des personnes (34 à 25%) ont vu leurs parts diminuer de manière significative. Dans le même temps, les périphéries, auparavant très spécialisées en grandes surfaces alimentaires et de bricolages jusque dans les années 1990, ont vu se développer petit à petit les enseignes de jardinage, puis de textile, puis de l’électroménager, puis de la culture, etc. Ces activités grignotent d’année en année les parts de marché aux deux premières citées.
Un « nouveau régime d’échanges liè au numérique
Dans un troisième et dernier temps, Pascal Madry a présenté sa vision des nouveaux modèles de développement du commerce et en particulier d’un « nouveau régime d’échange ». Depuis la création du commerce (en même temps que les villes), celui-ci s’appuie sur un invariant, la boutique. Elle a été le media unique entre un fournisseur et un client, remplissant les 3 fonctions d’échange d’informations, de biens, et de monnaie. Par ailleurs, celle-ci créait de la sociabilité (rapports sociaux au sein de la population) et donc de l’urbanité. La révolution numérique remet en question ce système car elle supprime la boutique et donc modifie son régime d’échange.
Cette révolution ne l’abolit pas complètement. Elle en crée de nouveaux et les hybride entre eux (cf. schéma Nouvelles trajectoires, P.Madry).
Deux trajectoires « anciennes » se maintiennent, le commerce traditionnel (la boutique) et le commerce discount globalisé (grandes et moyennes surfaces). Deux trajectoires nouvelles apparaissent, le commerce « désintermédié » (sans intermédiaires, développée par les plateformes numériques) et le commerce « reterritorialisé » (magasins connectés, utilisant le numérique pour ramener des clients dans leur boutique).
Ainsi, cette révolution commerciale et numérique apporte de nouvelles « controverses » aux anciennes, tant sur la forme des locaux, que sur l’espace commercial qu’ils occupent et le types d’entreprises concernées (cf. schéma Nouvelles controverses de l’urbanisme commercial, P.Madry)
Échanges et publication
De nombreux échanges dans la salle ont permis de préciser certains points sur les problématiques de stationnement, de sécurité, d’aménagements urbains, de localisation des équipements et des administrations, etc.
Une synthèse détaillée de cette conférence sera disponible avant la fin de l’année 2019 avec un rapport complet présentant l’écosystème commercial cornouaillais.
#aménagement #commerce #scot